Ailleurs, il y a l’autre....


...et l’autre m’enrichit ! L’autre est ce que je ne suis pas. Il se pose ses propres questions, il a ses propres priorités. Il a une histoire, dont je ne pourrai jamais connaître les moindres détails. L’autre est une inépuisable source de découverte et de nouveauté. Chaque autre livre sa propre bataille, dont je ne connais rien. 

Depuis l’enfance, j’ai appris à juger. À avoir un avis sur les gens et les choses. À croire que je savais ce qui était bien et mal. Pas forcément un jugement négatif, juste un regard évaluatif (ça existe ce mot ?!). Pourquoi ai-je développé ce talent ? Parce que j’ai grandi dans une société qui juge. Une société au sein de laquelle chacun décrète détenir la vérité. Une société où citoyens comme politiciens se battent pour faire valoir leur supériorité de pensée. 

J’ai grandi en ayant à cœur de défendre mes idées. J’ai appris à manier le verbe, pour savoir les enjoliver. J’ai cru que j’existerais mieux, si les gens étaient d’accord avec ma façon de penser. J’ai cherché à m’adapter aux attentes, à me conformer à la façon de voir du plus grand nombre, et surtout de ceux qui m’entouraient. J’ai cru que mon moi se devait d’être validé. 

Et puis je me suis perdue. J’ai cessé d’être moi, pour être celle que je croyais que l’on attendait de moi. J’ai perdu confiance en ma capacité à exister, si je n’étais pas acceptée. J’ai commencé à douter de ma valeur. Ma vie et mes choix étaient guidés par une sorte de juge extérieur imaginaire, que je m’étais façonné de toute pièce. 

Quand j’ai pris conscience que la vie que je vivais n’était pas la mienne, je me suis appliquée à déconstruire patiemment, pierre après pierre, mes croyances et mes conditionnements. J’ai appris à me libérer des injonctions de la société et de la morale bien pensante, pour me reconnecter à moi, à mon instinct, à mes besoins. J’ai commencé à m’apprivoiser. À accueillir chaque ressenti, chaque peur, chaque envie. À les accepter quoi qu’il arrive et à leur accorder une place privilégiée dans le palmarès des influenceurs de ma vie. 

Et c’est là qu’un jour, j’ai eu envie de partir. Partir à la rencontre de l’autre, ou peut-être de l’autre moi. Voyager pour me confronter à la différence. Bien m’en a pris ! Quelle richesse que ce monde rempli d’une multitude infinie d’étrangers... Quelle chance de pouvoir chaque jour réaliser qu’il n’y a pas d’autre vérité que celle de celui qui la vit. Comme il est apaisant de prendre conscience que ce que je crois et ce que je suis n’a de réelle importance que pour moi. Que je ne serai plus jamais seule, tant que je suis épanouie en ma propre compagnie ! 

Quel soulagement de ranger mes arguments au placard et de ne plus tenter de convaincre personne. Et quelle satisfaction de pouvoir m’ouvrir avec une sincère curiosité à ceux dont les expériences et les idées me sont étrangères. Enfin, et croyez-moi, ça n’est pas ma plus petite découverte : quelle libération que de comprendre que j’aurai toujours la même valeur, quoiqu’il arrive. Que je me trompe ou que je réussisse. Que l’on soit d’accord avec moi ou que l’on me rejette. Que je sois en guenilles, en jogging, tatouée ou apprêtée et habillée des atours les plus raffinés.
Je suis, donc je vaux. Je n’ai rien à prouver ! 

Ce voyage valide chaque jour mon appétence pour la différence, je veux m’enrichir de nouvelles façons de voir, maintenant que je n’en n’ai plus peur. Et surtout, j’ai compris que je n’ai pas forcément besoin de partir si loin pour me confronter à l’autre. La différence est partout, même dans la ressemblance. Et me voilà dès lors soulagée quand je regarde la perspective d’un retour à venir : je sais aujourd’hui que, forte de cette nouvelle façon de les voir, je prendrai plaisir à partager avec tous ceux qui seront sur mon chemin. Proches ou éloignés. Blonds ou bruns. Ouverts ou fermés. Charmants ou agaçants. Curieux ou obtus. 

Ailleurs il y a l’autre, mais ici il y a moi. 
















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