Émouvante Albanie


L’Albanie est sale.
On ne sait pas trop si les armatures métalliques du béton des constructions sont laissées là faute de temps ou d’argent, ou bien parce que la finition esthétique est totalement superflue à ce stade. Quelle qu’en soit la raison, cet état de semi-délabrement semble généralisé. Les déchets sont partout, même dans les coins les plus touristiques, à peine cachés dans des décharges à ciel ouvert, voire négligemment laissés sur les plages, dans les champs ou sur les bords de route. Comme partout ailleurs dans les Balkans, mais de façon particulièrement criante en Albanie. C’est un bien triste spectacle pour nos yeux de français habitués à vivre dans un environnement préservé et sensibles à l’écologie. Pourtant, on comprend bien qu’ici ce genre de « détails » ne puissent pas être la priorité. Toute l’énergie de la population étant consacrée à tenter de subvenir à ses besoins primaires. De plus, clairement, leur mode de vie très simple et exempt de quasiment toute activité de loisir leur garanti une balance largement favorable face à n’importe quel français en matière de bilan carbone...

L’Albanie est en friche.
Des constructions partout, côtoyant les ruines de bâtiments abandonnés d’une époque déchue. Et croyez-moi, l’attention portée au nettoyage de ce chantier de construction général n’est pas la même que chez nous ! 
Où qu’on regarde, on se demande si ces maisons et immeubles sans fenêtre et sans crépi sont d’anciennes bâtiments délabrés ou des nouveaux encore non achevés. On se sent comme si l’on était coincé quelque part, entre deux époques prospères... 
En dehors de quelques charmants villages accrochés aux montagnes face à la mer, pas totalement préservés de la folie d’expansion ambiante, mais ayant conservé tout de même une certaine harmonie, nous n’avons croisé que des villes d’autant moins attrayantes que nous les avons traversées sous la pluie pour une partie. 

L’Albanie est aride.
La côte y est belle, presque aussi belle qu’en Grèce. L’eau y est aussi bleue, les montagnes aussi fréquentes, les lacs  magnifiques, et pourtant tout y est plus aride. Végétation rase, peu luxuriante comparé à la Grèce et au Monténégro beaucoup plus généreux en la matière, on y voit moins d’arbres et les dégradés de couleurs tournent ici plus souvent au gris qu’au vert. L’agriculture y semble plus présente qu’en Grèce, notamment à cause de plaines plus étendues, mais c’est bien de leurs jardins que vivent les locaux, la nourriture étant de toute façon bien trop chère pour eux dans les magasins. 

L’Albanie est contrastée.
L’hyper neuf se mélange à l’ancien jamais vraiment rénové. Des vielles femmes en habit traditionnel vivent avec leurs filles et brus, stars de la mode albanaise sur Instagram. Et ces mêmes influenceuses se font aussi appeler d’un claquement de doigt par leurs maris pour remplir leur bière ou débarrasser la table. 
Les villes, apparemment fortement construites dans les années 70 et souvent assez délabrées, sont hyper branchées en même temps. Nous y avons trouvé moults restaurants véganes, bars et boites de nuit aux allures de club privé de la Côte d’Azur et des magasins flambant neufs d’enseignes mondialement connues, installés au rez-de-chaussée d’immeubles sans crépi ni gouttières... Dans ces villes, on se sent comme si le pays avait joué à la belle au bois dormant pendant les 30 à 50 dernières années pour se réveiller aujourd’hui avec une furieuse envie, non seulement de rattraper son retard, mais même de devenir précurseur. 
Pour la partie que nous avons vu, à savoir majoritairement la côte adriatique, région la plus touristique, nous constatons déjà que la (très) mauvaise réputation des routes albanaises est plutôt erronée. À vrai dire, on les a même souvent trouvées meilleures qu’en Grèce ! En revanche, dès que que l’on sort des axes touristiques (ce que nous avons fait au maximum), les routes secondaires peuvent se révéler pleines de surprises et nous ont valu un ou deux demi-tours épiques. Ça nous apprendra à vouloir dormir au milieu de rien !! Quand aux pratiques des conducteurs, elles ne nous ont pas parues pires que celles constatées ailleurs. 

Mais plus que tout, l’Albanie est accueillante.
Ses habitants, aux mines peu avenantes voir carrément patibulaires, ont pourtant tous les bras grands ouverts. Nous nous y sommes sentis réellement bienvenus et accueillis partout comme si nous faisions partie de la famille. Alexandre n’a d’ailleurs pas manqué de nous rappeler que l’habit ne fait pas le moine...

C’est donc sans surprise en Albanie que nous avons vécu la plus belle des rencontres chez Albert et Diana. Arrivés tardivement sur notre spot au bord du lac Skadar, pioché comme souvent sur Park4night, nous découvrons avec inquiétude que le supposé parking est en fait devenu un restaurant en cours d’achèvement. Mais Albert, le propriétaire, nous y accueille avec un sourire rayonnant et nous lance un « pas problème » enthousiaste quand nous lui mimons notre souhait de dormir sur place. À force de gestes explicites, il nous fait comprendre que sa femme parle anglais, puis quitte les lieux en compagnie de ses ouvriers. J’étais en train de préparer le dîner quand nous entendons un peu plus tard débarquer une vieille Mercedes pétaradante, de laquelle sortent femme, mère, enfant et neveux d’Albert !! Sa femme nous explique qu’Albert et ses amis vont partir à la pêche sur le lac et que nous sommes les bienvenus. Difficile de vous décrire la joie teintée d’une grande fierté d’Alexandre quand il m’a ramené le seul poisson pêché (à coup de trident!!) lors de cette épopée (Grands-parents sensibles s’abstenir : je ne m’étendrai pas trop sur les barques éclairées par d’énormes lampes à gaz ou à électricité, alimentées par des batteries de voitures - sorties des véhicules pour l’occasion - le tout posé à même le sol des précaires embarcations métalliques... Mon cœur de mère a été soumis à rude épreuve, mais quelle expérience !!). 

Le poisson (vidé à coup de cutter éclairé par un iPhone) a bien sûr été laissé à Alexandre en guise de trophée et la soirée s’est terminée autour d’un feu de camp et d’une bouteille de raki (distillée par les soins du grand-père). 
Touchés par cet accueil, nous décidons le lendemain de proposer à Albert et Diana de dîner avec nous. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au milieu de leur (grande) famille, à regarder nos enfants communiquer avec la langue universelle du jeu et à partager un si joli moment au cœur de leur quotidien. Nous sommes repartis le soir, les bras chargés d’œufs de leurs poules, d’oignons du jardin et de confiture de figues, ivres de chaleur humaine (et un peu de raki...) et heureux.

Définitivement le genre d’expérience qui nous font aimer la vie de nomades et l’accessibilité du camping-car. 










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